Ethiopie
L'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, se prépare à des élections législatives cruciales et d'ores et déjà incomplètes le 21 juin, avec en toile de fond la famine qui sévit dans la région en guerre du Tigré.
Le Premier ministre Abiy Ahmed a fait de ce scrutin, dont il est favori, une priorité. Désigné à son poste en 2018 par la coalition au pouvoir, le prix Nobel de la paix 2019 entend obtenir l'onction populaire qui lui fait défaut. Lundi, quelque 37 millions d'électeurs seront appelés à élire leurs députés, lesquels désigneront le Premier ministre.
Dès sa nomination, dans la foulée d'un important mouvement de contestation antigouvernemental, le Premier ministre quadragénaire avait fait libérer des centaines de prisonniers politiques, annoncé la modernisation d'une économie dirigiste à bout de souffle et opéré un spectaculaire rapprochement avec l’Érythrée voisine, qui lui vaudra son prix Nobel.
Violences politico-ethniques
L'optimisme est alors de mise du côté d'Addis Abeba : le marché de 110 millions d'habitants aiguise l'appétit d'investisseurs privés et nombreux sont ceux qui veulent croire en la promesse du Premier ministre d'organiser les élections les plus démocratiques que le pays a jamais connues.
Une promesse réitérée lundi sur son compte Twitter : "Dans une semaine, nous, les Ethiopiens, allons voter pour les 6e élections nationales qui seront la première tentative d'élections libres et équitables de la Nation". Mais l'euphorie des premiers mois a laissé la place à une atmosphère bien plus sombre. Le pays est le théâtre de violences politico-ethniques sanglantes et il est meurtri par la guerre au Tigré, dans le Nord du pays, où la famine menace d'emporter des centaines de milliers de vies.
Situation humanitaire
Dénonçant le blocage de l'aide par des "groupes armés", les agences humanitaires de l'ONU ont prévenu la semaine dernière que des millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire au Tigré, dont 350 000 habitants se trouvent en situation de famine. Dimanche, le pape François a appelé à prier pour la région.
Déclenchée le 4 novembre 2020, l'opération militaire au Tigré a permis de renverser les autorités dissidentes de la région, issues du Parti de libération du peuple du Tigré (TPLF) qui a détenu les leviers du pouvoir durant presque 30 ans en Ethiopie avant l'arrivée d'Abiy Ahmed.
Mais sept mois après le début des hostilités marquées par des atrocités, les combats se poursuivent, la situation humanitaire alarme la communauté internationale et les troupes érythréennes venues prêter main forte à Addis Abeba sont toujours sur le terrain. Dès lors, l'élection a été reportée sine die dans l'ensemble du Tigré qui représente 38 des 547 circonscriptions du pays.
Retards logistiques
Ailleurs, ce sont des violences politico-ethniques ou des retards logistiques qui ont contraint la commission électorale à reporter le scrutin au 6 septembre. La commission n'a à ce jour pas précisé le nombre exact de circonscriptions concernées mais elles se comptent par dizaines, en plus du Tigré.
Indépendamment des lignes de fractures qui lézardent le pays, l'organisation d'élections générales relève du défi dans un pays d'1,1 million de km2, aux infrastructures déficientes. Initialement prévu en août 2020, le scrutin a été reporté une première fois en raison de la pandémie de Covid-19. Il a ensuite été annoncé pour le 5 juin mais a été à nouveau ajourné au 21, essentiellement pour des retards logistiques.
Crédibilité en doute
Les récentes conférences de presse de la commission électorale, faisant état de bureaux de vote clandestins, de difficultés dans l'impression des bulletins de vote et de la nécessité d'engager 100 000 assesseurs en deux semaines, sont venues conforter le sentiment que le scrutin serait au mieux "imparfait", de l'aveu même d'un diplomate.
Les Etats-Unis se sont dits "très préoccupés" par l'atmosphère dans laquelle vont se tenir les prochaines élections. "Les arrestations d'opposants, le harcèlement de médias indépendants, les activités partisanes des autorités locales et régionales et les nombreux conflits interethniques et inter-communautairesà travers l'Ethiopie sont autant d'obstacles à un processus électoral libre et juste, et à la possibilité que les Éthiopiens le jugent crédible", a déclaré vendredi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price. L'Union européenne a elle renoncé à envoyer une mission d'observation.
Le Parti de la Prospérité d'Abiy Ahmed fait figure de grand favori pour remporter le scrutin, lui qui dispose d'une assise nationale inégalée chez les autres formations politiques, généralement d'échelle régionale. La campagne électorale a été marquée par une forme d'apathie assez sensible à Addis Abeba. A Hawassa, dans le Sud du pays, un journaliste de l'AFP a constaté ce week-end l'absence quasi-totale d'affiches de l'opposition pour contrebalancer celles, omniprésentes, du parti du Premier ministre.
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